Vincent Bouthors, PDG Jalios
Les enjeux de souveraineté dans le domaine du numérique sont de plus en plus reconnus et presque tout le monde s’accorde sur l’importance de développer des acteurs français de logiciel face aux géants américains et surtout de permettre à ces acteurs de grandir et de réussir à l’international.
Faut-il cependant suivre uniquement le modèle d’hyper-croissance et tout miser sur quelques licornes ? En observant le passé, on constate que parmi les rares entreprises qui réussissent, beaucoup finissent rachetées par des investisseurs ou des entreprises étrangères. N’existerait-il pas une autre voie permettant aux acteurs du numérique de se développer avec un esprit d’entraide comme celui qu’on trouve dans le Mittelstand allemand ? Les start-ups de solutions logicielles pourraient miser sur des partenariats gagnant-gagnant avec d’autres éditeurs et des intégrateurs du marché tricolore. Et ce même esprit de solidarité pourrait animer les acheteurs des secteurs publics et privés. De quoi développer des troupeaux de bisons en complément des licornes…
L'adoption d'une stratégie de partenariats est cruciale dans tous les secteurs pour stimuler la croissance et atteindre une position de leader sur le marché domestique. Les acteurs des outils collaboratifs, par exemple, opèrent au sein d'un écosystème complexe, impliquant intégrateurs, éditeurs et partenaires techniques dans le développement de leurs solutions. Ces partenariats s'étendent sur divers domaines tels que la communication, la gestion documentaire, la gestion visuelle de projets, le blended learning, les suites bureautiques, et plus récemment l’intelligence artificielle générative popularisée avec ChatGPT. Certains établissent des partenariats spécifiques avec des experts métier, par exemple les experts-comptables, les gestionnaires de bâtiments, ou les animateurs de fédération. Ils constituent ainsi un socle de coopérations essentiel au développement des entreprises.
L'effet boule de neige de la collaboration trouve son illustration dans la croissance d'une entreprise grâce à la création et au développement d'un écosystème collaboratif. L'ajout de multiples partenaires contribue à l'évolution du logiciel, augmentant tant le nombre que la qualité des projets, justifiant ainsi la croissance. Le renforcement de la solution par de nouveaux connecteurs et fonctionnalités accroît la probabilité de répondre aux besoins des clients. De plus, la popularisation du logiciel contribue à l'expansion de l'écosystème en attirant de nouveaux acteurs.
Pour beaucoup d’éditeurs de logiciel, la poursuite de cette politique collaborative de croissance avec des intégrateurs, des éditeurs, des spécialistes d’application métier, des sociétés techniques et de services, ainsi que des cabinets de conseil et de communication augmente le chiffre d’affaires et donne la possibilité de renforcer les effectifs. Au final, c’est cette stratégie qui permet à ces acteurs d’atteindre la taille d’entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Les éditeurs déjà installés peuvent également apporter leur force commerciale, leur maîtrise technique dans le développement de plateformes logicielles et leur capacité financière à des start-ups et à des PME. En se positionnant comme « le grand frère » de structures qui se créent ou démarrent, il est envisageable d’apporter une aide, notamment en marketing avec l’organisation d'évènements ou sur des aspects plus commerciaux et techniques avec des équipes d’experts à disposition. Certaines entreprises peuvent aller jusqu’à apporter un soutien financier conséquent via une prise de participation dans leur capital. Les investisseurs justifient souvent leur prise de participation en disant aux créateurs d’entreprise qu’ils auront une part plus petite d’un gâteau plus grand. Le développement de partenariat suit le même principe et apporte aussi une grande résilience.
Tout comme les bisons, la force des acteurs du numérique peut se reposer sur leur nombre et la collaboration afin de prendre une dimension plus importante et faire plus facilement face aux acteurs internationaux qui ont une force de frappe plus conséquente. Contrairement aux licornes, ces entreprises souhaitent également se développer, mais en restant indépendantes et c’est en les aidant qu’elles peuvent, à leur tour, aider des acteurs plus petits à monter en puissance. En ce sens, devons-nous parier sur les licornes ou sur les bisons ?
Vincent Bouthors,
PDG de Jalios
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